APPROCHES DE LA RECHERCHE

.APPROCHES DE LA RECHERCHE

L'activité de recherche reste encore aujourd'hui auréolée de mystères et de mythes. Depuis la fameuse baignoire d'Archimède jusqu'à la non moins célèbre formule d'Einstein, une longue cohorte d'images circule en guise d'illustration du phénomène. Cependant, ce qui est généralement évoqué au travers de ces représentations appartient plus au registre de la découverte qu'à celui du travail de recherche lui-même

APPROCHES DE LA RECHERCHE

Approches

Tout se passe, en effet, comme si l'on ne savait pas très bien ce qui permet l'avancée de la connaissance : les longues errances, les bagarres avec un réel qui se dérobe, les impasses rencontrées, les erreurs maintes fois rectifiées, bref, rien de ce qui concerne le processus de recherche ne semble, à première vue, susciter un intérêt très développé. On préfère sans doute s'extasier devant l'arsenal impressionnant des méthodes et des dispositifs de recherche, accueillir avec ferveur des résultats inédits ou applaudir les inventions géniales plutôt que de prêter attention. Aux hésitations et aux incertitudes du chercheur confronté au risque de ne pas aboutir

D'où, probablement, la nécessité ressentie par nous d'un retour aux mots, aux expressions et aux acteurs de ce type d'investigation : qu'est-ce qu'une recherche ? En quoi diffère-t-elle d'une simple quête ou enquête ? Quel est l'esprit de cette activité ? Bref, pourquoi et comment peut-on être chercheur ?

Research activity is still shrouded in mystery and myth today. From Archimedes' famous bathtub to Einstein's no less famous formula, a long cohort of images circulates by way of illustration of the phenomenon. However, what is generally evoked through these representations belongs more to the register of discovery than to that of the research work itself.

Everything happens, in fact, as if we did not know very well what allows the advancement of knowledge: the long wanderings, the fights with a reality that slips away, the impasses encountered, the errors rectified many times, in short, nothing that concerns the research process seems, at first sight, to arouse a very developed interest. We probably prefer to marvel at the impressive arsenal of research methods and devices, fervently welcome new results or applaud brilliant inventions rather than pay attention. To the hesitations and uncertainties of the researcher faced with the risk of not succeeding.

Hence, probably, the need felt by us to return to the words, expressions and actors of this type of investigation: what is research? How does it differ from a simple quest or investigation? What is the spirit of this activity? In short, why and how can one be a researcher?
HISTOIRE D'UN MOT

« Au siècle dernier, "la recherche" n'existait pas encore, ni comme mot ni comme méthode moderne ; il y avait la Science et les Savants, avec des "S" majuscules, il y a dorénavant la recherche organisée avec divers secteurs précis : la recherche pure, la recherche appliquée et la recherche dirigée. »

Charles-Noël MARTIN

(La recherche scientifique. Fayard, 1959, p. 26.)

À LA RECHERCHE D'UN SENS

« L'activité de recherche est quelque chose qui ne se voit pas. On peut labourer un champ, fondre le fer, vendre du drap, enseigner les élèves, faire un cours ou une conférence, administrer ou gouverner. Dans tous les cas, cette activité se voit et, dans sa nature, se comprend de tout le monde. Mais comment rendre compte d'une activité qui ne produit rien directement, et pour qui la chose importante n'est pas le livre-marchandise, mais l'uvre ? »

Evry SCHATZMAN

(Science et société. Laffont, 1971, p. 106.) 

«Le mot de recherche est employé dans un sens très général et peut s'appliquer à tous les types de problèmes, en sciences sociales comme en sciences naturelles ou physiques. Bien que le qualificatif "scientifique" ne soit pas toujours spécifié, il n'en demeure pas moins implicite. De ce fait, la recherche implique une exigence générale de rigueur, mais dégagée de toute indication technique, de toute notion de moyens. Elle recouvre la notion d'expérimentation aussi bien que celle d'observation et on l'utilise parfois comme synonyme d'enquête. »

Madeleine GRAWITZ

(Méthodes des sciences sociales. Dalloz, 1974, p. 503.)

« Si un écolier scrute des volumes pour connaître les habitudes des kangourous, si un professeur dépouille des documents pour préparer un cours, si un fonctionnaire élabore un programme d'étude, on dit que ces gens font de la recherche. Au risque d'y inclure toutes les activités humaines, il ne faut pas attribuer un sens aussi général au mot recherche. »

Renald LEGENDRE

(Une éducation à éduquer. Edts France-Québec, 1980, p. 253.) 

ESSAIS DE DÉFINITION

« La recherche nous apparaît comme une rupture d'équilibre, comme un conflit intérieur qui ne peut être apaisé que par la découverte. »

Rémy COLLIN

(Message social du savant. A. Michel, 1941, p. 295.) 

«Recherche: partir de ce qu'on croit savoir, et tirer sur le fil en souhaitant qu'il se brise... »

Jean ROSTAND(Carnet d'un biologiste. Stock, 1959, p. 56.)

« Faire de la recherche, c'est chercher à nouveau, examiner quelque chose une seconde fois, plus attentivement, pour en découvrir plus. 130 Recherche et Formation Nous revenons sur le phénomène parce qu'il peut y avoir quelque faille dans ce que nous savons déjà. »

Claire SELLTIZ, Lawrence S. WRIGHTSMAN,

Stuart W. COOK (Les méthodes de recherche en sciences sociales. Éditions HRW, 1977, p. 2.) 

« Recherche : ensemble de travaux ayant pour objet la découverte de connaissances nouvelles dans le domaine scientifique, littéraire ou artistique. »

(Larousse encyclopédique, 1979, p. 7872.)

«Il est possible de parler d'acte de recherche dès lors que l'on se trouve en présence d'opérations spécifiquement mises en uvre en vue d'aboutir à la production de représentations intellectuelles nouvelles et à leur expression sur un support externe. Autrement dit, l'acte de recherche fonctionne comme un acte délibéré et socialement organisé en vue d'aboutir spécifiquement à la production de représentations intellectuelles nouvelles et susceptibles d'avoir une existence sociale distincte de la personne physique de leur(s) auteur(s). »

Jean-Marie BARBIER

(« Analyser les démarches de recherche ».

Éducation Permanente n° 80, 1985, p. 106.) 

ESPRIT DE RECHERCHE 

« Par la recherche, l'homme essaie de se soustraire aux incertitudes de l'existence. Il refuse de subir ; il se veut libre et il consent, pour prix de cette liberté, à se soumettre aux efforts répétés et aux longues patiences. Son imagination et son intelligence ne cessent de s'employer, l'une fournissant des hypothèses que l'autre s'applique à critiquer. Il sent que dans cette entreprise le meilleur de lui-même est engagé. Il découvre qu'il est fait pour connaître, mais qu'il doit aller à la conquête de la connaissance et non point l'attendre paresseusement. »

Gaston BERGER (L'homme moderne et son éducation.

P.U.F., 1962 (juin 1954), p. 98.) 

« L'homme a besoin de tendre vers un but qui l'oblige à se dépasser lui-même. L'esprit de recherche est ainsi un ferment qui empêche son Autour des mots 131

esprit de se scléroser, lui donne le dynamisme nécessaire pour surmonter les vieilles habitudes, élargir ses horizons, et chercher une meilleure compréhension de ce qu'il fait et de ce qu'il est. »

Geneviève BOULANGER-BALLEYGUIER (La recherche en sciences humaines.

Éditions Universitaires, 1970, p. 9.)

« L'aptitude à la recherche dort, sommeille ou se trouve en état de veille chez la plupart des êtres humains. De même que chacun peut s'élever dans et par l'enseignement, de même chacun peut et doit s'approfondir dans une recherche.»

Henri DESROCHE (Apprentissage en sciences sociales et éducation permanente.

Éditions Ouvrières, 1976, p. 23.) 

« La recherche ne peut être réservée à des spécialistes coupés des praticiens de tout niveau. Elle ne peut se croire, comme il arrive trop souvent, "propriété privée", "chasse gardée" et "tabou" privilégié. Les spécialistes doivent favoriser la diffusion de l'esprit de recherche, avec l'apport de techniques de contrôles stimulantes et non inhibitrices, auprès d'un nombre sans cesse étendu de personnes de la base comme d'individus institutionnellement chargés de responsabilités, administratives ou techniques. »

André de PERETTI (Du changement à l'inertie. Dunod, 1981, p. 193.)

DÉSIR DE RECHERCHE

« Le désir ardent de la connaissance est l'unique mobile qui attire et soutient l'investigateur dans ses efforts; et c'est précisément cette connaissance qu'il saisit réellement et qui fuit cependant toujours devant lui, qui devient à la fois son seul tourment et son seul bonheur. »

Claude BERNARD (Introduction à l'étude de la médecine expérimentale.

Garnier-Flammarion, 1966 (1865), p. 307.) 

« L'homme animé par l'esprit scientifique désire sans doute savoir, mais c'est aussitôt pour mieux interroger. »

Gaston BACHELARD (La formation de l'esprit scientifique.

Vrin, 1986 (1938), p. 16.)

Recherche et Formation

« J'ai souvent entendu dire que des confrères voulaient attribuer ce comportement à une force de volonté et à une discipline exceptionnelles : je crois qu'ils ont tout à fait tort. L'état affectif qui rend apte à de pareilles productions, ressemble à celui des religieux ou des amants ; l'effort quotidien ne provient pas d'un dessein ou d'un programme, mais d'un besoin immédiat. »

Albert EINSTEIN (Comment je vois le monde. Flammarion, 1958, p. 142.) 

CHERCHER OU TROUVER ?

« Il me semble parfois qu'entre la recherche et la découverte, il s'est produit une relation comparable à celle qui s'institue entre la drogue et l'intoxiqué. »

Paul VALÉRY (L'idée fixe. Gallimard, 1934, p. 23.) 

« Trouver n'est rien. Le difficile est de s'ajouter ce qu'on trouve. »

Paul VALÉRY (Monsieur Teste. Gallimard, 1946, p. 19.)

« Quand on est fatigué de chercher on donne à ce que l'on a trouvé le nom de ce qu'on cherchait. Presque tout le monde se fatigue. »

Jean SULIVAN (Joie errante. Gallimard, 1974, p. 73.) 

« Bien des quêtes de la vérité se terminent sur la réponse d'avance souhaitée : "Tu ne me chercherais pas si tu ne m'avais déjà trouvé". La vraie recherche, elle, le plus souvent, trouve autre chose que ce qu'elle cherchait. »

Edgar MORIN (La Méthode. 3. La Connaissance de la Connaissance / 1.

Seuil, 1986, p. 138.) 

RECHERCHE DE LA VÉRITÉ

« L'esprit humain tourne autour de la vérité comme la terre autour du soleil, sans jamais s'en éloigner ni s'en approcher, toujours à la même distance, et en ne lui présentant qu'une de ses faces à la fois. Il ne fait jour sur un côté de notre intelligence qu'à la condition qu'il fasse nuit sur l'autre. »

Victor HUGO (Portefeuille critique 1830-1833. uvres, tome IV, vol. 2, p. 913.) 

Autour des mots.

« La question de savoir s'il y a lieu de reconnaître à la pensée humaine une vérité objective n'est pas une question théorique, mais une question pratique. C'est dans la pratique qu'il faut que l'homme prouve la vérité, c'est-à-dire la réalité et la puissance de sa pensée dans ce monde et pour notre temps. La discussion sur la réalité ou l'irréalité d'une pensée qui s'isole de la pratique est purement scholastique. »

Karl MARX (Thèses sur Feuerbach, II, 1845.) 

« Le problème de la vérité, si l'on ose dire, c'est de comprendre comment le mensonge réussit à tel point que la vérité passe pour inintéressante et insipide.»

Henri LEFEBVRE (Le manifeste différentialiste. Gallimard, 1970, p. 123.) 

« Chaque société a son régime de vérité, sa "politique générale" de la vérité : c'est-à-dire les types de discours qu'elle accueille et fait fonctionner comme vrais ; les mécanismes et les instances qui permettent de distinguer les énoncés vrais ou faux, la manière dont on sanctionne les uns et les autres ; les techniques et les procédures qui sont valorisées pour l'obtention de la vérité ; le statut de ceux qui ont la charge de dire ce qui fonctionne comme vrai. »

Michel FOUCAULT (« Vérité et pouvoir ». L'Arc n° 70, 1977, p. 25.) 

RECHERCHE SCIENTIFIQUE

« La recherche scientifique tend vers une explication générale, vers une loi; elle est nomothétique. Toutefois, avant d'atteindre ce niveau, une recherche peut connaître une période plus ou moins longue, pendant laquelle les efforts sont concentrés sur la description d'objets singuliers. »

Gilbert DE LANDSHEERE (Dictionnaire de l'évaluation et de la recherche en éducation.

P.U.F., 1979, p. 232.) 

« La recherche est un processus sans fin dont on ne peut jamais dire comment il évoluera. L'imprévisibilité est dans la nature même de l'entreprise scientifique.»

François JACOB (Le jeu des possibles. Fayard, 1981, p. 118.)

Recherche et Formation

« L'objectif premier de l'effort scientifique n'est pas, contrairement à une croyance largement répandue, l'efficacité dans l'action sur l'univers qui nous entoure, mais la cohérence dans notre représentation de cet univers ; c'est avant tout une recherche de lucidité. »

Albert JACQUARD (Au péril de la science? Seuil, 1982, p. 12.) 

Recueil de réflexions établi et présenté par Georges ADAMCZEWSKI

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